30/11/2025

Dynamique des populations dans le Doubs et la Haute-Saône : enjeux, perspectives et réalités pour la santé publique

Comprendre les évolutions démographiques en Bourgogne-Franche-Comté : une nécessité pour l’action locale

La question démographique est structurante pour l’action territoriale en santé publique. En Bourgogne-Franche-Comté (BFC), deux départements affichent des profils très contrastés mais complémentaires : le Doubs, département à la fois urbain (Besançon, Montbéliard, Pontarlier) et industriel, et la Haute-Saône, principalement rural, traversé par des dynamiques de vieillissement et de faible densité. Analyser ces tendances, c’est offrir des repères plus fins aux acteurs locaux – collectivités, établissements, associations, professionnels.

Alors que la France vient de franchir le cap des 68 millions d’habitants (source : INSEE, juin 2024), la région BFC continue d’afficher une croissance modérée, très dépendante des dynamiques de ses territoires. Que se passe-t-il réellement dans le Doubs et la Haute-Saône ? Quelles implications pour les politiques de santé, les dynamiques sociales, les actions de prévention ?

Le Doubs et la Haute-Saône : deux départements, deux démographies

  • Le Doubs : Avec près de 550 000 habitants en 2021 selon l’INSEE, le Doubs est le second département le plus peuplé de BFC. Il gagne régulièrement des habitants chaque année entre 2016 et 2021 (+0,4 % par an), principalement dans l’aire de Besançon et le Nord Franche-Comté. Le Doubs présente une densité d’environ 103 habitants/km².
  • La Haute-Saône : Plus rural, moins peuplé (environ 237 000 habitants), la Haute-Saône voit sa population stagner voire légèrement diminuer depuis la dernière décennie (-0,05 %/an sur 2016-2021). La densité y est nettement plus faible (45 hab/km², source ARS/BFC).

À retenir : la croissance démographique est très localisée dans le Doubs, mais l’essentiel du territoire de Haute-Saône reste marqué par une faible attractivité résidentielle.

Vieillissement démographique : une réalité marquée, mais contrastée

Si l’INSEE annonce que la BFC figure parmi les régions les plus âgées de France (avec un âge médian de 45 ans contre 42 au national), la situation dans le Doubs et la Haute-Saône appelle la nuance.

  • Dans le Doubs, la jeunesse relative de certaines communes universitaires (Besançon) et frontalières (axe Pontarlier-Suisse) contrebalance le vieillissement global. Près de 20 % de la population a plus de 65 ans (source : INSEE 2021), une proportion qui augmente nettement en dehors de l’axe Besançon-Montbéliard.
  • En Haute-Saône, l’indicateur de vieillissement reste supérieur à la moyenne régionale. Près de 30 000 habitants ont plus de 75 ans. Les moins de 20 ans ne représentent plus que 20 % de la population, contre 23 % en 2000. Ce sont surtout les zones rurales et petites villes (Gray, Luxeuil, Lure) qui concentrent cette évolution.

À surveiller dans les prochaines années : l’augmentation du “grand âge” (plus de 85 ans), déjà visible dans les projections (INSEE, Population & Sociétés, avril 2024). Cela impose d’anticiper le besoin en offres médico-sociales, soins à domicile et aménagement de l’habitat.

Migrations, mobilités et attractivité territoriale : le facteur clé pour les deux départements

Les évolutions démographiques récentes s’expliquent d’abord par les migrations et mobilités résidentielles.

  • Dans le Doubs : la proximité de la Suisse attire une population active, notamment sur l’axe Pontarlier-Morteau. Ce phénomène, renforcé par un niveau de vie plus élevé de l’autre côté de la frontière, modifie le tissu socio-économique local. La métropole bisontine, avec son université et son offre culturelle, conserve aussi un pouvoir d’attraction sur les jeunes adultes.
  • En Haute-Saône : on observe depuis 2010 une tendance à l’exode rural, avec une baisse de la population dans les communes les plus isolées, compensée en partie par l’installation de ménages venant des métropoles voisines (Belfort, Besançon) à la recherche d’un cadre de vie plus “accessible”. Mais le solde migratoire reste faiblement positif ou négatif selon les années et les zones (résultats du solde naturel négatif).

Données récentes ARS/INSEE : entre 2016 et 2021, seulement un quart des communes de Haute-Saône ont gagné des habitants. À l’inverse, le Doubs a vu plus de la moitié de ses communes croître ou stabiliser leur population, portées par des pôles d’emploi et des projets d’aménagement urbain.

Tableau comparatif : dynamiques démographiques récentes (2016–2021)

Indicateur Doubs Haute-Saône
Population 2021 ~550 000 ~237 000
Croissance annuelle +0,4 % -0,05 %
Part des plus de 65 ans 20 % 24 %
Densité hab./km² 103 45
Solde naturel (naissances-décès) Léger excédent Déséquilibre marqué

Source : INSEE, ARS BFC, exploitation 2023

Conséquences pour la santé publique et l’aménagement des services

Dans les deux départements, les tendances démographiques récentes se traduisent concrètement par :

  • Un enjeu de maintien et d’anticipation des offres de soins : les zones à faible densité (est de la Haute-Saône, Haut-Doubs) concentrent les “déserts médicaux”. Selon l’ARS, plus de 20 % des habitants de Haute-Saône vivent dans une zone sous-dotée en médecins généralistes. Le Doubs, notamment le Pays Horloger, est aussi touché : mobilité des professionnels, non-remplacement des départs en retraite.
  • Un impératif d’adaptation du médico-social : la progression du vieillissement, en particulier des plus de 85 ans, implique d’augmenter les capacités d’hébergement, de développer les alternatives à l’EHPAD (habitat partagé, services à domicile), de renforcer la prévention de la perte d’autonomie, et de soutenir les aidants familiaux.
  • Une vigilance accrue sur les déterminants sociaux de santé (c’est-à-dire l’ensemble des conditions ayant une influence sur la santé : logement, emploi, accès aux droits…) : le vieillissement s’accompagne d’un risque accru d’isolement, de précarité énergétique et de rupture sociale, spécialement dans les communes rurales à dynamique économique modérée (source : Observatoire de la santé BFC, 2023).
  • Un enjeu de mobilité et d’accès aux services : que ce soit pour l’offre de soins, la prévention ou l’accès aux équipements, la dispersion des populations dans les territoires ruraux pose la question du transport (ex : zones blanches des transports collectifs en Haute-Saône, impact sur la vaccination ou le suivi des pathologies chroniques).

Concrètement, pour la BFC, ces évolutions interrogent la capacité à innover : transports à la demande médicalisée, développement des solutions numériques (téléconsultation, télésurveillance), ingénierie d’attractivité pour les professionnels de santé.

Quels leviers pour les acteurs ?

  • Pour les collectivités locales : piloter des stratégies démographiques intégrant attractivité résidentielle, soutien à la natalité, réhabilitation des centres-bourgs, en lien direct avec la santé : confort thermique, accessibilité, sécurité des parcours de vie.
  • Pour le secteur médico-social : anticiper l’explosion des besoins en accompagnement du vieillissement, proposer de nouvelles formes d’habitat, travailler le lien intergénérationnel et la mobilisation des bénévoles.
  • Pour la prévention et la santé publique : renforcer les actions ciblées sur le maintien de l’autonomie, la lutte contre l’isolement social, la prévention cardiovasculaire et les conduites à risques (alcool, chutes), avec une logique territoriale fine (quartiers prioritaires, zones rurales isolées…).
  • Pour le monde associatif et les citoyens : développer des solidarités locales (réseaux d’entraide, veille citoyenne), accompagner les nouveaux arrivants — souvent primo-arrivants en Haute-Saône — pour prévenir la rupture de soins ou de suivi social.

À retenir pour la veille régionale

  • Les écarts entre villes dynamiques (Besançon, Montbéliard) et territoires en fragilité démographique (Haute-Saône, Haut-Doubs) imposent d’adapter les réponses, notamment sur la santé des personnes âgées, l’accessibilité aux soins, la prévention des isolements.
  • Le vieillissement, facteur déterminant, accentue les enjeux de prévention, d’offre médico-sociale et d’adaptabilité des services — notamment dans un contexte de retrait progressif de certains professionnels de santé.
  • La mobilité des populations, qu’elle soit subie ou choisie, oriente le développement des services (scolaires, petite enfance, gériatrie), mais aussi les politiques d’attractivité des professionnels et des jeunes ménages.

Pour aller plus loin : consulter les analyses INSEE Centre-Est, ARS Bourgogne-Franche-Comté (« Atlas de la santé BFC », Observatoire régional, synthèses annuelles 2023-2024).

Perspectives à suivre

Dans un contexte régional où le vieillissement va s’accélérer et la mobilité se complexifier, suivre de près les données INSEE, ARS et Observatoire de la santé reste indispensable pour adapter les politiques publiques et l’offre de soins. Nous continuerons à relayer les innovations locales, expérimentations et retours d’expérience utiles à tous les acteurs de terrain.

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