04/12/2025

Croissance urbaine à Dijon et Besançon : quelles implications concrètes pour la santé en Bourgogne-Franche-Comté ?

Pourquoi parler aujourd’hui de la croissance urbaine à Dijon et Besançon ?

La question urbaine prend une dimension nouvelle ces dernières années en Bourgogne-Franche-Comté. Dijon et Besançon, capitales régionales et pôles universitaires, concentrent le dynamisme démographique d’une région peu densément peuplée (59 hab/km² en moyenne, INSEE 2023). Entre 2010 et 2019, l’aire urbaine dijonnaise a gagné plus de 16 000 habitants, Besançon environ 8 000, quand des territoires comme la Nièvre ou le Haut-Jura voient leur population stagner, voire diminuer.

Au-delà des statistiques, la croissance urbaine transforme le quotidien : rythmes de vie, mobilité, logement, qualité de l’air… et de facto, la santé. Que valent alors les alertes nationales (plan cancer, pollution, inégalités sociales…) dans le contexte précis de nos cités régionales ? À qui cela pose-t-il problème, et que peut-on impulser localement ? Voici les principaux enjeux, passés au crible régional.

Pollution urbaine : un impact sanitaire documenté localement

  • Dijon : classée par l’ATMO BFC parmi les trois agglomérations les plus exposées aux oxydes d’azote. Les pics de pollution restent 20 % moins fréquents qu’à Lyon ou Paris, mais les seuils journaliers sont régulièrement dépassés dans certains quartiers sud-ouest et le centre-ville. Source : ATMO BFC, 2023.
  • Besançon : air de meilleure qualité moyenne, grâce à un effet de “vallée verte” (forêt de Chailluz, plateaux périphériques), mais des concentrations de particules fines (PM2.5 et PM10) en hausse de 10 % depuis 2015 sur le pourtour du centre. Source : Observatoire aérien régional, 2022.

Conséquences sanitaires locales : la hausse des maladies respiratoires (asthme, bronchites chroniques), mais aussi les pathologies cardio-vasculaires, touchent particulièrement les enfants et personnes âgées des quartiers les plus denses. Selon Santé publique France, l’exposition chronique aux PM2.5 dans l’agglo dijonnaise entraîne une perte d’espérance de vie de 7 à 9 mois pour les plus de 30 ans.

  • À surveiller pour la BFC : la croissance du trafic automobile lié à la périurbanisation fait progresser la pollution de fond sur des secteurs a priori moins exposés (zone Quetigny, Ouest Bisontin).

Logement et santé : le revers caché de l’attractivité urbaine

À Dijon comme à Besançon, le marché locatif est sous tension : augmentation des loyers, réduction des logements abordables ou adaptés aux familles modestes. Le taux de suroccupation (plus de personnes que de pièces disponibles selon les normes de l’INSEE) dépasse 6 % à Dijon centre et 5 % à Planoise, contre une moyenne régionale de 2,7 %.

  • Proportion de passoires thermiques dans l’ancien : jusqu’à 14 % dans certains quartiers périphériques de Dijon et Besançon (source : DREAL BFC, 2022).
  • Présence de moisissures et d’humidité dans 8 à 12 % des logements sociaux locaux (source : Observatoire Habitat Santé, 2023).

Quels liens avec la santé ? Les personnes qui vivent dans un logement dégradé présentent plus de risques d’affections respiratoires, de troubles du sommeil voire de dépression—des écarts qui persistent, même à niveau de revenus égal (ministère de la Santé, fiche “Habitat et santé”). Sans des politiques de rénovation efficaces localement, l’attractivité urbaine aggrave la précarité énergétique et sanitaire.

  • À retenir : Les collectivités détiennent un levier direct : amélioration du parc social, accompagnement à la rénovation (“MaPrimeRénov’”), veille sur l’habitat indigne.

Accès aux soins et disparités intra-urbaines : vigilance maximale

On pense souvent que la ville facilite l’accès aux professionnels de santé. Pourtant, derrière la densité médicale moyenne (537 médecins pour 100 000 habitants à Dijon, 519 à Besançon), se cachent de fortes inégalités.

Quartier Dijon (pro/pour 100 000 hab) Besançon (pro/pour 100 000 hab) Zones rurales en périphérie
Centre-ville 790 730 /
Quartier prioritaire 420 460 180
Périphérie rurale 250 230 150

À Dijon (quartier Fontaine d’Ouche, Grésilles) comme à Besançon (Planoise, Clairs-Soleils), le renoncement aux soins pour raisons financières ou d’attente est supérieur à la moyenne régionale (18 % vs. 13 % selon l’ORSBFC). Cela touche en priorité :

  • Les jeunes adultes précaires
  • Les retraités isolés
  • Les familles monoparentales

Concrètement pour les acteurs locaux :

  • Développer les dispositifs d’aller-vers sur ces quartiers (bus santé, permanence mobile sociale/psy, comme expérimente Dijon métropole depuis 2022).
  • Favoriser les maisons de santé pluridisciplinaires dans les zones intermédiaires ville-campagne.

Mobilité et inégalités d’accès à la ville-santé

Le recours à la mobilité douce (tram, vélo, marche) progresse régulièrement à Dijon (22 % des déplacements domicile-travail en 2022), moins à Besançon (15 %), selon l’AUDeBesançon.

Pourtant, la dépendance à la voiture demeure élevée, notamment pour les habitants de la première couronne (Chenôve, Fontaine-lès-Dijon, Chalezeule…), où les équipements de santé et de prévention sont moins nombreux et parfois difficilement accessibles sans véhicule. Cela induit :

  • Des délais d’accès plus longs aux spécialistes
  • Des difficultés accrues pour la prise de rendez-vous en urgence, y compris en santé mentale
  • Un taux de non-recours aux droits plus élevé chez les petits retraités ou les familles monoparentales (chiffres CAF-MS 2023)

À surveiller dans les prochains mois :

  • L’évolution de la desserte en transport en commun des nouveaux quartiers d’habitat en périphérie (Valmy, Hauts du Chazal, Temis…)
  • L’ouverture de nouvelles structures de santé dans ces zones

La croissance urbaine aggrave-t-elle les inégalités sociales de santé en BFC ?

C’est la question centrale. Car, si la ville présente des atouts (proximité des hôpitaux universitaires, richesse d’offre de prévention), les écarts se creusent aussi. Les indices d’inégalités sociales de santé (déterminants sociaux de santé, au sens de l’OMS) restent élevés dans les deux aires urbaines :

  • L’écart d’espérance de vie à la naissance dans l’agglo dijonnaise est de 5,7 ans entre le quartier le plus favorisé et le plus précaire (source : INSEE, 2021).
  • À Besançon, le taux de mortalité prématurée évitable (décès avant 65 ans pouvant être prévenus par la prise en charge ou la prévention) est 1,9 fois plus élevé à Planoise qu’au centre-ville.

Impossible d’imputer ces chiffres à un seul facteur. Mais l’effet “ciseaux villes-campagnes” se retrouve même à l’intérieur des métropoles. Politiques locales (politique de la ville, déploiement des CPTS—Communautés professionnelles territoriales de santé), initiatives associatives et nouveaux modes de concertation (ex : conseil local de santé mentale), tous jouent un rôle : la croissance urbaine n’est pas une fatalité, mais nécessite anticipation et adaptation.

Levier d’actions pour prévenir les impacts négatifs

Face à cette complexité, que peuvent faire les acteurs de santé publique, collectivités et associations en Bourgogne-Franche-Comté ?

  • Intégrer systématiquement la santé dans l’aménagement urbain : Appuyer les plans locaux d’urbanisme (PLU) sur des diagnostics sanitaires territorialisés. Dijon Métropole l’a initié autour du tramway, avec une évaluation d’impact “santé urbaine”, à généraliser.
  • Renforcer la participation citoyenne : Impliquer les usagers dans la définition de leurs besoins, notamment via les conseils citoyens santé.
  • Accentuer la prévention dans les quartiers prioritaires : Co-construire avec les associations des programmes de dépistage et d’éducation à la santé.
  • Soutenir la rénovation thermique et lutter contre l’habitat indigne : Prioriser les aides dans les secteurs où le cumul pauvreté/santé/insalubrité est le plus marqué.
  • Inclure les professionnels du médico-social dans la réflexion urbaine : Mobiliser tous ceux qui agissent sur le terrain, des pharmaciens aux assistantes sociales, pour une approche transversale.

À partager dans vos réseaux : Les inégalités de santé liées à la croissance urbaine ne relèvent pas que des grandes villes, mais impactent toute la Bourgogne-Franche-Comté. Agir ensemble, c’est anticiper demain des villes plus inclusives et favorables à la santé de tous.

Ce qu’il faut retenir pour la Bourgogne-Franche-Comté

  • La croissance urbaine à Dijon et Besançon comporte des effets sanitaires bien réels : pollution accrue, logement sous tension, disparités dans l’accès aux soins, inégalités de santé qui persistent et parfois s’aggravent.
  • Il existe des marges de manœuvre locales : politiques urbaines, innovations en santé, soutien à la rénovation et prise en compte réelle du vécu des habitants.
  • Analyser les données nationales ne suffit pas : chaque agglomération, chaque quartier a ses propres leviers.
  • Ce sujet parle autant aux élus, professionnels médico-sociaux qu’aux associations ou collectifs d’habitants.
  • Une veille active et collaborative permet de transformer les contraintes urbaines en opportunités pour la santé publique régionale.

À surveiller dans les prochaines années : l’impact des nouveaux plans urbains, les effets des crises (climat, logement) et les expérimentations locales pour rééquilibrer l’accès à la santé. Sentinelles Santé BFC continuera à décrypter pour vous l’évolution des dynamiques régionales.

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